Toute ma vie, j’ai sacralisé les livres.
Je lisais avec le plus grand soin, faisais en sorte de ne pas casser le dos, ni abimer les coins. J’évitais même de les prendre dans les transports pour qu’ils ne s’abîmassent pas dans mon sac, privilégiant alors les livres empruntés à la Médiathèque car protégés. J’évitais autant que faire se peut d’acheter des livres sur internet de peur qu’ils n’arrivassent abimés et quand j’achetais des livres d’occasions, je prenais les exemplaires les plus neufs qui fussent. À bien y réfléchir, je crois que j’accordais alors davantage d’importance à l’objet-livre qu’au texte.
Depuis quelques mois mon rapport aux livres a changé.
J’ai commencé à m’approprier totalement à la fois le texte et l’objet-livre, à écrire dedans, corner les pages, surligner des passages, à entrer véritablement dans le texte, à m’y chercher et m’y retrouver, mais aussi à aller au delà du texte, à analyser les émotions et réflexions qu’il suscitait.
J’ai ainsi repris goût à acheter et posséder des livres, peu importe leur état physique. Même si je reste attirée par les livres neufs et les jolies couvertures, ce ne sont plus des critères décisifs, bien au contraire. Le texte et les réflexions qu’il peut m’apporter priment désormais.
J’ai aussi considérablement élargi mon horizon littéraire. Je suis plus ouverte aux recommandations surtout si elles me font sortir de ma zone de confort. J’ai plaisir à prêter et emprunter des livres, particulièrement quand ils sont annotés.
Je crois que ce changement s’est opéré quand je me suis rendue compte que j’étais passée du type de lecteur qui “juge en appréciant et apprécie en jugeant” au lecteur qui “apprécie sans juger” (pour reprendre la classification de Goethe). Je lisais, appréciais mes lectures, parfois en parlais puis passais à autre chose. Je m’étais d’ailleurs fait la réflexion il y a quelques temps dans un article sur le blog. Je lisais pour, littéralement, passer le temps, sans réfléchir et sans chercher à réfléchir et au fil des ans, j’en ai perdu le plaisir de lire. J’étais contente de me plonger dans un livre, mais tout aussi contente de ne pas le faire.
Depuis cette prise de conscience, lire est redevenu un réel plaisir. Je lis avec frénésie. Je veux tout lire et lire de tout. J’ai le sentiment d’avoir une vie littéraire à rattraper, comme si je venais de me réveiller d’un long coma (littéraire) et que je devais maintenant m’atteler à rattraper le temps perdu.
(P.S : J’ai lu dernièrement un roman écrit et traduit dans les années 50 du temps où le subjonctif imparfait était encore la norme et je pense qu’il est vraiment temps de le réhabiliter.)
(Par contre, je ne suis pas sûre, pour le subjonctif imparfait… :D)
C’est génial, ce nouveau rapport que tu as aux livres !
Je ne crois pas être dans la sacralisation du livre, ça ne me dérange pas qu’il s’abime dans mon sac ou qu’il vive, mais c’est encore pour moi inenvisageable de le corner ou d’écrire dessus. Mais j’ai toujours admiré cette pratique, il y a une relation intime au livre que j’envie ! Peut-être que je devrais commencer par les post-it, comme sur ta photo…