[Littérature] À pied d’œuvre – Franck Courtès

À pied d’œuvre, ou quand un photographe à succès perd le goût de son art, décide de tout abandonner pour se consacrer à l’écriture et découvre la valeur de l’argent…

Le métier d’écrivain consiste à entretenir un feu qui ne demande qu’à s’éteindre. Un feu dans la neige. Il faudrait prévenir, mettre un panneau. Cela exige une grande volonté. Achever un texte ne veut pas dire être publié, être publié ne veut pas dire être lu, être lu ne veut pas dire être aimé, être aimé ne veut pas dire avoir du succès, avoir du succès n’augure aucune fortune.

Loin de s’apitoyer sur son sort, Franck Courtès assume son choix et ses difficiles conséquences. Avec lucidité et autodérision, il raconte sa nouvelle vie de manœuvre le jour et écrivain la nuit ; il livre par la même occasion une critique acerbe du monde du travail, des dérives du système économique et notamment de ces nouvelles applications pour trouver des « missions » qui nous « dirige(nt) moins vers une société idéale d’ouvriers libres et indépendants que vers une société de serviteurs précarisés« .

C’est ainsi, par un chantier peu payé auquel rien ne m’avait préparé, que j’ai changé de vie. Changer de vie quand celle-ci vous est devenue insupportable s’avère moins difficile que de ne pas en changer du tout.

On hésite parfois entre rire et pleurer face à l’absurdité de certaines situations dans lesquelles son ignorance du métier, et parfois sa bêtise, les deux étant guidées par son besoin d’argent, le mettent. Lui qui jusqu’à présent n’avait connu ni pauvreté, ni précarité, découvre le monde au bas de l’échelle sociale et prend conscience de la vraie valeur de l’argent.

L’argent n’a pas toujours la même valeur. Il ne vaut pas la même chose en regard de ce qu’il a fallu faire pour l’obtenir. Je n’ai jamais gagné d’argent liquide. Mes revenus, quand j’étais photographe, allaient directement sur un compte en banque que je consultais rarement. Les vingt euros dans la paume de ma main me semblent une somme considérable par le seul fait qu’elle est en liquide.

Une lecture des plus agréables, qui aborde de nombreux thèmes avec justesse ; c’est à la fois un appel à poursuivre ses rêves quoiqu’il en coûte mais aussi une prise de conscience sur la dure réalité de la vie.

Et cette scène finale… brillante !

À pied d’oeuvre – Franck Courtès | Gallimard – 2023

« Entre mon métier d’écrivain et celui de manœuvre, je ne suis socialement plus rien de précis. Je suis à la misère ce que cinq heures du soir en hiver sont à l’obscurité : il fait noir mais ce n’est pas encore la nuit. »

Voici l’histoire vraie d’un photographe à succès qui abandonne tout pour se consacrer à l’écriture, et découvre la pauvreté. Récit radical où se mêlent lucidité et autodérision, À pied d’œuvre est le livre d’un homme prêt à payer sa liberté au prix fort.

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