Parce qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ! La dernière de la pièce se jouera dimanche au National Theatre, mais tant pis : le texte sans la mise en scène vaut tout de même d’être connu.
Fin 19ème, Europe de l’est, Motl Mendl revient à l’occasion de l’enterrement de son père, et après un exil de 7 ans, dans son village natal. Sur le départ, au moment de rassembler ses affaires, il tombe sur le cinématographe de son père. L’arrivée d’un voisin à ce moment-là et sa proposition inattendue lui feront changer ses plans : il reste. Et il va faire des films.
1936, Hollywood. Maurice Montgomery, réalisateur prolifique et reconnu, raconte l’histoire de Motl. Ou plutôt son histoire.
Pendant toute la pièce, on alterne entre fin 19ème et 1936 : Maurice Montgomery est le narrateur, aussi, il vient à des moments clés faire des commentaires sur les évènements passés. J’aime vraiment l’idée surtout que la plupart du temps, ces moments clés sont en même temps que les films. Car oui, on est au théâtre, mais on a aussi droit à des films ! C’est une pièce sur le cinéma, avec comme accessoire principale : un vrai cinématographe des Frères Lumières – autant en faire bon usage. On voit à l’écran ce dont les acteurs sur scène sont en train de discuter. C’est magique.
“I will die and you will die, but our movies live for always. If in one hundred years, this village be only mud once more, and peoples who live in it dead and gone and nobody know our names, a Jew can look at movies and he say to children “Children, listen. These are the stories what we told each other. They made our hearts beat side by side like single heart. It how we lived. It how we were. It how it was.” | (Jacob to Motl)
Quand tout un village se lie pour l’art : le tournage de “The Singing of the Angel”
Tout est magique dans cette pièce. C’est une pièce pleine d’humour, emplie d’une rêverie et d’une douce mélancolie. Travelling Light est un hommage au cinéma juif du 20ème siècle, mais c’est aussi plus profond que ça. Travelling Light parle du soi, de la fuite, des rêves à réaliser, de l’immortalité par l’art, du réel dans l’art et de l’art pour l’art. Ca parle de la famille au sens large, de rédemption, de la place de l’individuel au sein d’une communauté et puis d’amour bien sûr.
“Poppa… I don’t think I’m Jewish (…) Because I’m a unique human being with thoughts and impulses and intellectual ambitions that can’t be categorised in such a limited way.” | (Young Motl to his father)
Motl est le “héros” de la pièce, mais c’est Jacob qui marque les esprits : il est celui par qui tout commence et par qui tout finit. Sur scène, il est joué par Antony Sher, remarquable et très facile à comprendre malgré son accent et sa prononciation hachée (ou devrais-je dire “grâce à” ?). C’est d’autant plus émouvant que l’histoire de Jacob fait écho à sa propre histoire personnelle.
Lauren O’Neil joue Anna, l’assistante et muse de Motl, et secrétaire personnelle de Jacob. Elle est ravissante et passe, en effet, très bien au cinématographe. Et puis elle a une voix… captivante. Je suis très sensible aux voix, je ne l’explique pas, c’est comme ça. Et la voix grave et puissante de Lauren O’Neil m’a profondément marquée. Sans doute parce que je ne m’attendais pas à un tel timbre de voix, elle semble tellement “douce”… Les autres acteurs sont bien évidemment excellents aussi. Ils sont britanniques, que dire d’autre ?
Et puis il y a Motl, joué par Damien Molony. Ce cher Damien Molony, qui me fait regretter chaque fois plus de ne pas avoir découvert John Ford et son ‘Tis Pity She’s A Whore’ plus tôt. Il est d’une justesse rare, il n’en fait jamais ni trop, ni trop peu. Il est Motl, aussi perdu et peu sûr de lui, il fait passer tellement de choses dans un simple mot, un simple geste, un simple sourire, et plus encore, dans un silence. On l’aime et on le blâme pour sa fuite mais surtout on le comprend. Il est fabuleux sur scène et d’une incroyable gentillesse hors scène. (et puis, c’est adorable, on retrouve un peu de Hal en lui)(ou de lui en Hal ?)
Travelling Light c’est l’histoire de Motl Mendl, de Jacob Bindel, de Anna et de comment les habitants d’un petit village perdu au fin fond de l’Europe de l’Est ont contribué à l’âge d’Or du cinéma hollywoodien.
A découvrir. Vraiment. Sur scène si l’occasion se (re-)présente, ou au moins par le texte (disponible à la boutique du National Theatre et même sur Amazon.uk)
Crédits photos : Johan Persson
J’ai rectifié : tu as fait un mémo 🙂
Pour Antony Sher, tu peux toujours lui écrire au National Theatre ! La pièce se finit demain mais ils sauront où lui transmettre 🙂 Pour Ford… qui sait, peut-être se jouera-t-elle à nouveau dans un futur proche, ailleurs ?
Oh, c’est très gentil de lier mon blog ! 😀 Mais ce n’est pas vraiment un article que j’ai cherché à écrire, plutôt un mémo, pour garder un souvenir un peu précis de ce bon moment, et surtout des lieux qui m’ont beaucoup plu. Je suis ravie si tu l’as apprécié, quoi qu’il en soit ! 🙂
En tout cas, inutile de dire que nous en avons pensé sensiblement la même chose ! Certaines de nos expressions sont à l’identique, parfois ! ^^…
Eh oui, un vrai regret de ne pas avoir pu assister à une représentation de Ford l’an dernier. Et d’avoir raté un mot aimable à Antony Sher aussi… :'(