Dirigée par Stephen Unwin et mettant en scène de jeunes acteurs peu connus mais très talentueux, The Conquest of the South Pole de Manfred Karge est une pièce à l’atmosphère mélancolique qui vous fera rire et frissonner.
On est en 1987. Manfred Karge nous emmène à la rencontre de cinq amis, tous paumés, qui comblent le vide de leur existence de chômeurs en buvant du schnaps et en jouant au flipper.
La pièce s’ouvre sur 3 types qui parlent de chameau à bicyclette, d’un rideau qui n’était pas présent la veille et d’un élan cravaté derrière ce rideau. Ou comment rendre le tragique drôle: l’élan cravaté, c’est Seiffert, qui a décidé de se pendre. Heureusement ses amis sont arrivés à temps et lui font entendre raison : comment peut-il songer à se tuer alors qu’il n’a donné aucune explication au spectateur ? Le spectateur mérite un dernier discours, il mérite d’avoir la morale de l’histoire !
Et voilà comment on se retrouve à écouter l’élan cravaté, sur son tabouret, parler de caviar, de Français et de spleen – des choses qu’il a lu dans un livre. D’ailleurs, Slupianek aussi a lu dans un livre : il a lu l’histoire de ces quatre norvégiens qui sont partis explorer le pôle Sud. Personne n’y croyait et pourtant ils l’ont fait. Un conte de fées, voilà ce que c’est, pense Buscher.
Oui certes, mais ils y sont arrivés ! Et d’ailleurs, pourquoi ne le ferions pas nous aussi ? se dit alors Slupianek.
(De gauche à droite : Chris Ashby, Mark Field, Sam Crane, O-T Fagbenie, Andrew Gower)
Armés du récit d’Admunsen et de leur imagination débordante, et accompagnés de Frankieboy dans le rôle du fidèle compagnon à quatre pattes, les voilà partis à la conquête du pôle Sud (ou plus précisément, à la conquête des draps blancs qui sèchent dans la pièce et qui font figure de glaciers) ! Mais attention, sans bouger de chez eux : “one London footstep for every polar kilometre“.
The Conquest of the South Pole c’est une histoire d’amitié (la réplique de Buscher dans l’avant dernière scène en est une bonne image), d’espoirs et de désillusions : ces quatre amis se lancent dans une expédition imaginaire dans le simple but d’échapper à leur vie faite d’une suite de défaites. Cette expédition va les rapprocher tout autant que les séparer : Slupianek continuera à vivre dans son monde tandis que, poussés par Louise, la copine de Braukmann (dite La Braukmann), Braukmann et les autres essayeront de reprendre une vie normale.
The Conquest of the South Pole est une pièce pleine de fougue – ça bouge dans tous les sens, ça crie, ça chahute… Bien plus poétique et émouvante qu’il n’y parait (quelle belle histoire d’amitié!), elle est aussi emplie d’une réflexion psychologique à travers ces cinq amis à qui la vie n’a pas fait de cadeaux et qui cherchent, en vain, quelque chose à quoi se raccrocher.
Il n’y a que 8 acteurs dans cette pièce, dont 2 n’apparaissent qu’à la fin, et ils sont tous PARFAITS. Andrew Gower bien sûr, en Seiffert, “l’élan cravaté” aux tendances suicidaires, drôle et touchant à la fois, grand amateur de meringue et qui ne comprend pas toujours ce qu’il se passe autour de lui.
Et puis O-T Fagbenie, en Slupianek, celui par qui tout à commencer, grand orateur, poignant de sincérité, limite bipolaire. Mais aussi Sam Crane en Braukmann, le type un peu perdu mais qui garde le plus les pieds sur terre – en grande partie grâce à sa copine, Louise (jouée par Emma Cunniffe, excellente elle aussi !). Ou encore Mark Field alias Buscher, le gros dur au coeur tendre qui a une profonde affection pour Frankieboy.
Parlons-en de Frankieboy : son interprète, Chris Ashby est stupéfiant! Sincèrement, avec Freia, on était soufflées. Car il faut savoir que Frankieboy est autiste et Chris Ashby a la gestuelle parfaite de l’autiste ! Vraiment fascinant ! Il ira loin ce petit gars, c’est moi qui vous le dit.
Pour ne rien gâcher, l’Arcola Theatre est un petit théâtre intimiste, d’une centaine de place seulement et où le public est assis en U autour de la scène, sur des chaises bien confortables. La scène à est à quelques centimètres, on est avec eux dans cette petite mansarde – il arrive même que le public soit directement pris à parti ! Peu de moyens, peu de décors, mais souvent un casting parfait et une merveilleux texte suffisent pour faire quelque chose de sensationnel.
Elle se joue jusqu’au 26 mai 2012 à l’Arcola Theatre (prendre l’Overground jusqu’à Dalston Junction) avant d’être transférée au Rose Theatre Kingston du 29 mai au 2 juin. Cela dure environ 1h30 et ne coûte que 18£ (12£ pour les étudiants)
Et n’hésitez pas à rester un peu à la fin, pour les féliciter – les acteurs sont très gentils et accessibles ! La pièce et les acteurs méritent bien toutes ces 4**** !
Crédit photos : Simon Annand
Oui oui je l’ai vu en France, l’année dernière 😉 J’avais eu un peu de mal à rentrer dedans (je ne vais pas hyper souvent au théâtre et la dame qui nous avait présenté l’histoire nous avait raconté n’importe quoi du couo j’étais un peu perturbée ^^) mais au final j’ai vraiment aimé. C’est vrai que c’est rigolo comme coincidence ^^
Oui, j’aime partager mes découvertes de la scène londonienne, mais malheureusement, elles arrivent souvent un peu tard et les gens ne peuvent pas faire la découverte et j’en suis souvent désolée. C’est comme je commentais sur l’autre billet : Paris-Londres, si proche et pourtant si loin. Si seulement le billet de train était moins cher (car c’est vraiment le plus gros du bugdet en fait…)
Un jour, je t’emmènerai au Donmar. Ou au Young Vic (qui fait aussi dans la Green Attitude). Mais le Donmar en priorité !
Oh oui, leurs performances, à couper le souffle, vraiment ! Des petits gars à suivre de très près, ils vont aller loin !
Et de rien ! Je suis ravie d’avoir partagé ce merveilleux moment avec toi =D
Oh c’est vrai ? J’adore ce genre de coïncidences ! J’adore parler de quelque chose et de découvrir que les gens connaissent et aiment !
Tu l’as vu où ? En France ? Je sais qu’elle a été joué il y a longtemps (j’ai d’ailleurs trouvé un vieux exemplaire de l’Avant-Scène Théâtre avec le texte français de la pièce – et bien, c’est plus facile à suivre en anglais qu’en français !)
No, thank YOU Mr Unwin, for the play and your comment !
Merci pour ce partage. Même si je n’aurai pas l’occasion d’y aller (et c’est visiblement très dommage), j’ai beaucoup apprécié ton billet qui nous fait découvrir la scène londonienne !
How lovely this comment from the director ! Very nice of him. Indeed, we loved the play. Text, direction, actors… high quality makes great excitement and interest. 😀
Evidemment, je suis tout à fait d’accord avec toi. Ce qui est très appréciable dans cette pièce, c’est le dynamisme avec lequel elle est menée et l’énergie qu’elle dégage. Elle prête aussi beaucoup à réfléchir : l’histoire est, pour une grande partie, abstraite et métaphorique, mais elle touche profondément. Je me disais : il s’agit d’une réflexion, encore (toujours !;), sur le rêve et la réalité. Vaut-il mieux rêver au risque de gâcher sa vie, ou vivre sans rêves ? Qu’est-ce qui est le plus beau ? Le plus fort ? Qu’est-ce qui fait se sentir le plus vivant, en définitive ?
J’ai adoré la salle de L’Arcola, son ambiance, sa disposition. C’est, de plus, un “Green Theatre” qui se veut “neutre en carbone”. Pas habituel chez nous… ^^
Enfin, je dois dire que la présence et la performance de O-T Fagbenle m’ont vraiment impressionnée, ainsi que celles de Chris Ashby qui, l’air de rien -et c’est dommage qu’on ne fasse pas trop spontanément cas d’un personnage comme celui de Frankieboy-, étaient époustouflantes de justesse et d’émotion.
Un merveilleux moment ! Merciiiiiii. :)))
J’ai vu la même pièce mais pas avec les mêmes acteurs et pas dans le même pays, ce n’était donc pas tout à fait la même chose je pense mais j’avais beaucoup beaucoup aimé cette pièce. Celle-là devait être géniale aussi 🙂
Merci, mes amies.
Stephen Unwin
Metteur en scene