J’avais raté Secret d’état lors de sa sortie ciné en novembre dernier et je dois avouer ne plus vraiment y avoir repensé avant de le voir dans la liste du dernier Ddvtrafic.
Secret d’état est inspiré d’une histoire vraie. Celle de Gary Webb, journaliste d’investigation américain connu pour avoir dénoncé en 1996 l’implication de la CIA dans le trafic de drogue aux États-Unis dont l’argent récolté servait à financer les contras au Nicaragua dans les années 80. L’histoire a fait grand bruit, mais a aussi vite été enterrée : Gary Webb a été totalement discrédité en 1997 et lorsque les rapports du Département de la justice et de la CIA furent dévoilés en 1998, tout a été fait pour dévier l’intérêt du public vers le Monicagate.
Secret d’état raconte les mois d’investigation de Gary Webb avant de se concentrer sur l’après-révélation. Les articles de Gary Webb n’ont bien évidemment pas plu aux agences concernées mais surtout, ils n’ont pas plu aux autres journaux. Comment un journaliste d’un petit quotidien comme le San Jose Mercury News avait pu faire une telle découverte ? Comment un petit journal local de rien du tout pouvait les avoir devancé sur un tel scoop ? Commence alors une vraie guerre médiatique : plutôt que de creuser l’affaire, les journaux rivaux ont commencé à attaquer Webb et le San Jose Mercury News, l’accusant de ne pas avoir de preuves solides, de sources fiables, critiquant son sérieux, fouillant son passé, déformant ses propos. Si l’on s’en doutait déjà, Secret d’état vient le confirmer : le journalisme est un univers sans pitié. Et pourtant, c’est l’éthique de Webb qui était remise en cause.
Attaqué par ses pairs, menacé par la CIA, Webb se retrouvera seul contre tous, finissant même par se mettre à dos la direction de son propre journal qui l’enverra s’occuper des faits divers dans un coin perdu de la Californie le temps que l’affaire se tasse. Elle est bien loin l’époque du Watergate, quand les journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein recevaient le soutien indéfectible de leur rédacteur en chef et que les journaux rivaux s’occupaient de couvrir l’affaire plutôt que d’attaquer les deux journalistes.
Secret d’état a été écrit par Peter Landesman, qui a lui-même été journaliste d’investigation et à qui on doit le très bon Parkland. J’ai d’ailleurs retrouvé dans Secret d’état nombre des éléments qui m’avaient plu dans Parkland, notamment cette propension à faire bon usage des images d’archives pour osciller entre film et documentaire et à ne pas prendre parti. Peter Landesman se contente une fois de plus de raconter les faits tels qu’ils se sont déroulés, sans faire dans la surenchère, ni pousser le spectateur à compatir d’office avec Webb et donc à se retourner contre ses chefs, ses collègues, sa femme. Il nous présente le journaliste tel qu’il était : sérieux, persévérant et avide de vérité, mais aussi obstiné, imprudent et toujours prêt à prendre des risques. Bien évidemment, sa vie de famille en pâtira. Le couple finira par divorcer en 2000 et Gary Webb, dépressif depuis quelques années, sera retrouvé avec deux balles dans la tête en 2004 et une note d’adieu à côté de lui.
Le casting impeccable vient parfaire un film déjà passionnant par son sujet et sa mise en scène. Jeremy Renner prouve une fois de plus qu’il peut jouer sur tous les registres – du super-héros sans pouvoirs au super-espion sans mémoire en passant par le journaliste intègre et plein d’humanité. À ses côtés, Mary-Elizabeth Winstead, Robert Patrick, Rosemarie DeWitt, Paz Vega, Aaron Farb, Andy Garcia et Michael Sheen, entre beaucoup d’autres.
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Secret d’état (Kill the messenger) – Réalisé par Michael Cuesta, scénario de Peter Landesman, d’après Dark Alliance de Gary Webb et Kill the messenger de Nick Schou. Avec Jeremy Renner, Mary Elizabeth Winstead, Robert Patrick, Rosemarie DeWitt, Michael Sheen…
Disponible en DVD le 26 mars 2015. Distribué par Metropolitan Filmexport.Synopsis : Gary Webb, reporter chevronné, découvre un lien entre les services secrets américains et les cartels d’Amérique centrale. Pour faire exploser la vérité, Webb prend tous les risques et se rend au Nicaragua afin de soutirer des informations essentielles au baron de la drogue Norwin Meneses. Il écrit bientôt une série d’articles qui secoue l’Amérique tout entière… Webb devient alors une cible pour les journalistes rivaux mais aussi pour les responsables du trafic : un véritable complot se trame contre lui.
je l’avais vu au cinéma, et j’avais beaucoup aimé. Le sujet était très intéressant, et je ne connaissais pas cette histoire. j’aime beaucoup en général, les films qui parlent du journalisme et du poids de leurs enquêtes. La différence aujourd’hui, avec des rédacteurs en chef qui font plus attention à ne pas fâcher les lobbies, et les politiques, plutôt que de creuser pour faire éclater la vérité. ça m’a un peu rappeler Révélation de Micheal Mann, quand Al Pacino se voit refuser la diffusion de son enquête par ses supérieurs, qui ne veulent pas froisser les lobbies du tabac.
Je pense qu’il y a comme ça beaucoup de pans de l’histoire des États-Unis (du monde) qui sont ‘oubliés’ des médias. C’est bien que des réalisateurs décident d’en parler, surtout s’ils le font aussi bien. C’est vrai que maintenant, on ne sait pas vraiment à qui se fier. Dire que raconter la vérité, dévoiler des secrets peut mener à la prison et détruire (littéralement) des vies.