Puisant dans l’imaginaire des contes et les textes de l’Ancien Testament, Dors ton sommeil de brute est un conte écologique puissant, sur le pouvoir des enfants et la force des rêves, tout autant qu’un appel à se réconcilier avec la Nature.
Pour échapper à un quotidien de violences, Eva part s’isoler au cœur de la Camargue avec sa fille – cette fille dont elle ne voulait pas mais qui dès sa première minute sur Terre est devenue son unique raison de vivre. C’est pour la protéger qu’elle a choisi de se réfugier au milieu de nulle part, loin de tout et de tous. Cette nouvelle vie idyllique est cependant bouleversée à l’apparition du “Phénomène” : un rêve collectif étrange qui touche les enfants du monde entier, se propageant à la vitesse de la rotation de la Terre.
Ce rêve, qui débuta par un cri, anodin bien qu’effrayant, gagne en intensité à chaque nouvelle itération, générant désordres et chaos tout autour du globe. Lorsque ces rêves commencent à avoir des conséquences funestes, le Monde cherche à comprendre : les enfants veulent-ils nous faire passer un message ?
(…) il voyait le hasard comme le fruit de notre ignorance. Il disait que nous ne pouvions pas encore l’abolir, mais qu’un jour peut-être nous en serions capables. Oui un jour, quand nous aurions découvert toutes les lois qui régissaient notre univers, nous dépasserions le hasard.
Que deviendrait alors la poésie ?
Mêlant conte écologique, références bibliques et réflexions philosophiques, Dors ton sommeil de brute invite à réfléchir sur la place de l’Homme face à la nature et les questions éthiques et émotionnelles qui en découlent. À travers cette étrange connexion entre les enfants et le monde sauvage, le roman interroge également sur la nature des rêves et la capacité des êtres à comprendre et accepter l’inexplicable.
L’artiste accueille dans son œuvre ce qui le blesse, le fatigue ou l’abîme, l’art t’a permis de transcender ta douleur, de la changer en couleurs, de traduire ton émotion sur la toile.
Carole Martinez dépeint avec finesse une galerie de personnages touchants et attachants dont les caractères se dévoilent progressivement à mesure que le Phénomène prend de l’ampleur. Plus qu’un simple effet de style, l’habile alternance de “je”, “tu”, “il”, “nous”, ajoute une profondeur psychologique au récit et illustre la diversité des réactions humaines face à l’étrangeté de l’évènement ; cette multiplicité des points de vue aide par ailleurs à maintenir l’attention et l’intérêt du lecteur jusqu’au dénouement final malgré les quelques passages plus scientifiques et introspectifs qui ralentissent légèrement le rythme.
C’est là le premier roman de Carole Martinez que je lis, et ce n’est certainement pas le dernier. Son univers onirique m’a totalement charmée et je ne vais pas manquer de l’explorer à nouveau.
Dors ton sommeil de brute – Carole Martinez | Gallimard – 2024
Un rêve collectif court à la vitesse de la rotation terrestre. Il touche tous les enfants du monde à mesure que la nuit avance. Les nuits de la planète seront désormais marquées par l’apparition de désordres nouveaux, comme si les esprits de la nature tentaient de communiquer avec l’humanité à travers les songes des enfants.
Eva a fui son mari et s’est coupée du monde. Dans l’espace sauvage où elle s’est réfugiée avec sa fille Lucie, elle est déterminée à se battre contre ce qui menace son enfant durant son sommeil sur une Terre qui semble basculer.
Comment lutter contre la nuit et les cauchemars d’une fillette ?