Tu ne tueras point [Hacksaw Ridge] – Mel Gibson

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Le 12 octobre 1945 Desmond Doss recevait des mains du président Harry Truman la Congressional Medal of Honor, devenant ainsi le premier non-combattant à recevoir une telle distinction. Je n’avais jamais entendu parler de Desmond Doss jusqu’à l’annonce du film. Et je le regrette. Infiniment. Merci donc à Bill Mechanic, Robert Schenkkan et Mel Gibson pour ce film.

Desmond Doss n’était pas destiné à la guerre: adventiste convaincu, il se refusait à toute violence. Mais la guerre a éclaté, son frère s’est engagé et par devoir pour son pays, il a fini lui aussi par s’engager volontairement en 1942. Il voulait servir en tant qu’infirmier « non-combattant » avec pour seules armes des bandages, de la morphine et du plasma. Il est arrivé au camp d’entrainement armé de sa foi et de ses convictions, la principale étant que jamais il ne toucherait une arme. Il a enduré l’entrainement militaire, les brimades des soldats et officiers, les menaces de cour martiale, et cela, sans jamais fléchir. Il s’est obstiné et il est allé au front avec son bataillon sur les îles de Guam, Leyte et Okinawa. Dès qu’un soldat criait « medic » il pouvait être sûr que Desmond Doss viendrait l’aider. Il a sauvé des centaines de vies et n’en a pas pris une seule.

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Tu ne tueras point se concentre sur un événement en particulier : la bataille d’Okinawa et la prise de Hacksaw Ridge en mai 1945. Je ne peux pas dire l’événement le plus « héroïque » (Desmond Doss a été héroïque chaque jour qu’il a passé au front) mais sans doute le plus incroyable. Alors que le bataillon battait en retraite, Desmond est resté sur la falaise, il a alors passé les heures qui ont suivi à ramener les blessés, un par un. Au total, il a aidé et traîné 75 soldats (dont deux japonais) en cinq heures. Un exploit inimaginable.

J’ai lu un article qui se plaignait du trop plein de religion du film, allant jusqu’à dire que le refus de se battre de Desmond laissait penser que tous ceux qui se battent et tuent sont de mauvais chrétiens. Personnellement je ne l’ai pas ressenti comme ça. Pour moi, c’était vraiment plus une question de conviction et de choix personnels qu’une attitude dictée par la foi et la religion. Il n’a jamais protesté contre les armes, ni critiqué ceux qui décidaient de se battre, il croyait en la nécessité de cette guerre, c’est bien pour cela qu’il s’est engagé. Il a d’ailleurs toujours rejeté la notion d’objecteur de conscience. Mais il croyait aussi qu’il pouvait servir son pays sans renier ses convictions et il savait qu’il serait aussi brave et utile au front que tous les autres. Ce n’était pas un moralisateur, il n’a jamais demandé à ce que le monde soit d’accord avec lui ou suive ses convictions, tout ce qu’il voulait c’est que les gens l’acceptent tel qu’il était. Not a perfect soldier, but a good man. 

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Andrew Garfield est parfait dans le rôle. Et confirme une fois de plus que The Amazing Spider-Man n’était pas à la hauteur de son talent. Il transmet à la perfection la sensibilité et la détermination de Desmond Doss, ce gringalet à l’accent traînant du sud qui refusait de manger de la viande et de travailler le samedi. Tout le film est sublimé par son casting. Vince Vaugh plus habitué aux comédies sort ici de sa zone de confort et cela lui réussit tout à fait. Sam Worthington s’était fait discret ces derniers temps et il revient en force avec ce rôle. Hugo Weaving est méconnaissable en Tom Doss. Teresa Palmer a la grâce, la douceur et la détermination inhérente à Dorothy Schutte.

Mais outre Andrew Garfield, c’est bien Luke Bracey qui marque les esprits tout le long du film. L’un des rares personnages fictifs du film, Smitty Ryker est le plus méfiant à l’égard de Desmond, il ne sait comment se comporter face à lui : doit-il l’admirer pour sa détermination ou bien le détester parce qu’il refuse de porter une arme. Il représente tous les soldats qui voyaient en Desmond Doss une menace : ne pas porter d’arme signifiait ne pas pouvoir aider et sauver un soldat se faisant attaquer par l’ennemi. Ils ne pouvaient pas lui faire confiance, et sur le champ de bataille, il faut pouvoir compter sur les autres. Et pourtant, au fil des jours, ce ressentiment va se transformer en respect et oui, en admiration. Smitty Ryker va se rendre compte que Desmond n’est pas moins courageux que les autres et que même sans arme, il peut lui sauver la vie.

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Mel Gibson est un habitué des films de guerre, et cela se voit. Les scènes d’action sont d’un réalisme à couper le souffle, on s’y croirait – ma voisine de siège a sursauté à de nombreuses reprises. Les âmes sensibles vous voilà prévenues : vous allez voir du sang gicler, des membres amputés, des boyaux traîner, vous n’allez rien perdre de l’horreur vécue par les soldats. On ressort de la salle émus, bouleversés par l’humilité de ce héros méconnu malgré son exploit et contents. Contents de savoir que Desmond Doss a survécu, qu’il a retrouvé sa femme et sa famille, qu’il a eu une vie heureuse et paisible malgré la maladie.

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Ce que l’histoire ne dit pas, c’est que le jour où Desmond Doss a été touché au front, il a soigné lui même ses blessures et a attendu cinq heures avant que les brancardiers ne viennent le chercher. Elle ne dit pas non plus que pendant le trajet de retour au camp, le trio est tombé sur un autre soldat bien plus grièvement blessé que Desmond Doss et que ce dernier a alors demandé aux brancardiers d’emmener d’abord l’autre soldat. Le temps qu’ils reviennent, l’offensive a repris et Desmond Doss a été touché au bras occasionnant une fracture ouverte, il a utilisé un chargeur pour se faire une attelle, avant de partir en direction du camp, malgré sa jambe blessée, son bras cassé et les balles sifflant autour de lui, il a rampé sur les près de 300 mètres qui le séparaient du camp.

Tu ne tueras point est un film de guerre comme on en fait peu, plein d’humanité et d’humilité, l’histoire extraordinaire d’un homme ordinaire qui ne laissera personne indifférent. Un vrai coup de cœur pour l’homme et le film.

 

 

Tu ne tueras point (Hacksaw Ridge) de Mel Gibson | Metropolitan Filmexport | En salles le 9 novembre 2016
Avec Andrew Garfield, Luke Bracey, Teresa Palmer, Sam Worthington, Vince Vaughn, Hugo Weaving, Rachel Griffiths…
Synopsis : Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Desmond, un jeune américain, s’est retrouvé confronté à un dilemme : comme n’importe lequel de ses compatriotes, il voulait servir son pays, mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s’opposait ne serait-ce qu’à tenir une arme et refusait d’autant plus de tuer. Il s’engagea tout de même dans l’infanterie comme médecin. Son refus d’infléchir ses convictions lui valut d’être rudement mené par ses camarades et sa hiérarchie, mais c’est armé de sa seule foi qu’il est entré dans l’enfer de la guerre pour en devenir l’un des plus grands héros. 

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