The Collector [The Vaults Theatre]

the collector

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas passé une soirée au théâtre aussi formidable. J’ai vu de nombreuses pièces et comédies musicales, mais The Collector fait sans conteste partie des meilleures pièces que j’ai vues. La dernière fois que j’ai été aussi happée par une pièce remonte à 2011, avec Emperor and Galilean au National Theatre.

The Collector est adapté du roman du même nom de John Fowles, traduit en France par L’Obsédé et publié chez Points. Pour être franche, je n’avais pas entendu parler du roman jusque là et de l’auteur, je ne connaissais que Sarah et le lieutenant français – et encore, de nom seulement. Il faut dire que le titre français est assez rebutant et ne correspond pas vraiment à l’histoire.

There are two sides to every story.

The Collector raconte l’histoire de Frederick Clegg, passionné par les papillons et photographe amateur, qui un jour gagne à la loterie. Son autre grande passion s’appelle Miranda Grey, étudiante aux beaux-arts qu’il a rencontré un jour et dont il a su tout de suite qu’elle était « the only one ». Et puis du jour au lendemain, le voilà devenu riche et prêt à acheter une maison. Une maison avec sous-sol qu’il va retaper et décorer pour une invitée prestigieuse : Miranda. Problème : Miranda n’a même pas souvenir de son existence. Pour elle, il n’est qu’un nom lu dans un journal. Alors, invitée ? Pas vraiment non vu qu’elle a été emmenée de force et est retenue contre son gré. Elle essaie plusieurs fois de s’échapper, en vain. Très vite cependant Miranda se rend compte que Frederick ne lui veut aucun mal : il veut simplement apprendre à mieux la connaitre. Miranda décide alors d’entrer dans son jeu et accepte de rester un mois.

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© Scott Rylander

Chacun va essayer de manipuler l’autre afin de parvenir à son but : Miranda veut quitter la maison, Frederick veut la faire rester. À mesure que les jours passent, les personnalités s’affinent et Frederick commence à se dire que Miranda est loin de la vision idéalisée qu’il avait d’elle. Miranda de son côté réalise que Frederick a beau être serviable et gentil, il peut aussi se montrer violent.

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© Scott Rylander

Lily Loveless est fantastique dans le rôle de Miranda. Elle joue avec naturel cette fille issue d’une classe sociale élevée, qui réfléchit vite et fait preuve d’énormément de courage. Son isolement va l’obliger à revoir ses priorités et ses préjugés et surtout à faire un gros travail sur elle-même afin de mieux comprendre son ravisseur et ainsi tourner les choses à son avantage. Parce qu’au fond, ce qui la terrifie le plus ce n’est pas tant Frederick, mais plutôt le fait que personne ne sait où elle est : s’il arrive quelque chose à Frederick, elle n’aura plus aucune chance de sortir, personne ne pourra venir l’aider.

Daniel Portman est quant à lui incroyable en Frederick Clegg. Son Clegg est tellement touchant qu’il est impossible de ne pas l’aimer. Frederick veut qu’elle se sente bien, qu’elle se sente comme chez elle, qu’elle le voit comme un ami et non un ravisseur. Il sait que ce qu’il fait est mal, mais pour lui c’est la seule façon qu’il a d’être avec elle. Il est constamment tiraillé entre son envie de libérer Miranda et l’espoir qu’elle finisse par l’aimer et rester avec lui.

It was like we were the happiest two people in the world. No one will ever understand how happy we were – just me.
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© Scott Rylander

C’est assez malsain quand on y réfléchit : un type fait une fixation sur une fille et décide de la séquestrer dans l’espoir qu’elle finisse par tomber amoureuse de lui, et pourtant, on aime bien ce type. Même à la fin, on a envie de l’aider, de le protéger, de minimiser ses actes. Et c’est là que The Collector opère son tour de force : on s’attache à Frederick malgré tout. Pire encore : on en vient à trouver que Miranda exagère et à se dire qu’un mois ce n’est pas si long, elle peut bien faire un effort, Frederick est aux petits soins pour elle. Outre le talent prodigieux des acteurs, c’est ce qui m’a le plus fascinée dans la pièce : ce sentiment de sympathie que l’on ressent envers Frederick.

Le décor est rudimentaire : quelques meubles, des boites empilées et des étagères remplies de livres et de provisions. Par un habile jeu de lumières, on passe d’une pièce à l’autre, d’un acteur à l’autre, d’un temps à l’autre : ainsi, quand Frederick Clegg s’adresse au public, toute la lumière est sur lui, tandis que dans la semi-pénombre Miranda vaque à ses occupations. Joe Hufton n’aurait pu trouver endroit plus parfait pour la pièce. The Vaults Theatre se situe dans un passage souterrain sous la gare de Waterloo. C’est sombre et froid, tout en pierre, isolé et en sous-sol – comme la cave dans laquelle est retenue Miranda.

The Collector est un huis-clos prenant et fascinant qui fait réfléchir et ne laissera personne indifférent. J’ai vu la pièce deux fois en quatre jour, et s’il n’y a pas eu de troisième fois c’est simplement parce que le temps nous manquait.

La pièce se joue jusqu’au 28 août au The Vaults Theatre à Londres et le billet ne coûte que £15 (£18 à partir du 17 août). Si vous êtes de passage dans la capitale anglaise d’ici là, allez-y, vous ne le regretterez pas !

THE COLLECTOR
Adapté par Mark Healy d’après le roman de John Fowles.
Mis en scène par Joe Hufton.
Avec Daniel Portman et Lily Loveless.

Quand : Du mardi au vendredi à 19h30, samedi à 14h30 et 19h30, dimanche à 16h.
Où : The Vaults Theatre (Leake Street – Waterloo).
Billets :  £15-£18 (à partir du 17 août), placement libre.

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